RÉFLEXION SUR LA PAUVRETÉ.
Mt 5, 3 "Bienheureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux"
Mt 19, 22-24 "Amen, je vous le dis : un riche entrera difficilement dans le Royaume des cieux!"Je vous le répète : il est plus facile à un chameau de passer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume des cieux".
L'ETAT DE PAUVRETE
Qu'est-ce qui caractérise l'état de pauvreté ? :
- le dénuement, en opposition à l'abondance, dans le domaine de l'avoir
- l'incapacité, par rapport au pouvoir, dans le domaine de l'action
Quelles que soient les modalités d'entrée dans l'état de pauvreté il y a concrètement un manque, qui touche:
- soit le domaine de l'avoir : on aurait la capacité d'utiliser à bonne fin ce qui entraînerait satisfaction de nos désirs, mais nous manquons des éléments utilisables. Ainsi, par exemple, j'aurais possible appétit, absorption, digestion des aliments, mais je n'ai rien "à me mettre sous la dent", car je suis trop pauvre pour me procurer de la nourriture. J'ai une "insuffisance d'avoir"
- soit celui de l'action : là, c'est le contraire, je dispose de tout ce que je désire manger, mais j'ai des aphtes plein la bouche qui empêchent l'absorption de tout aliment : je suis freiné dans mon "pouvoir"!
L'état de pauvreté est donc toujours en relation avec un MANQUE (d'avoir ou de pouvoir)
L'ORIGINE de cet état est, comme on le verra plus loin
- soit volontaire
- soit involontaire
STRUCTURES CONCERNEES
La pauvreté concerne les différentes structures des personnes humaines, à savoir corps, âme, esprit, mais elle revêt un aspect différent selon la structure dans laquelle elle se manifeste.
Ainsi, un "homme pauvre" manifestera sa pauvreté dans son corps, dans son "âme corporelle". On constatera facilement, en le regardant et en l'interrogeant, qu'il ne mange pas à sa faim rien que par son aspect et ses réactions!
Mais un "pauvre homme" manifestera sa pauvreté dans son esprit et son âme spirituelle. Dans le premier cas, le déficit physique et affectif superficiel est flagrant et, dans le second, c'est plutôt au niveau spirituel et affectif profond que se manifeste une insuffisance, un déficit par rapport à la "normale"…ou ce qui est tenu pour tel!
Mais ces exemples ne sont là que pour indiquer les structures humaines concernées par la pauvreté et non ce qui caractérise la "pauvreté" aux "yeux de Dieu"!
LA PAUVRETE SELON DIEU :
Quand Jésus nous parle de "pauvreté", c'est d'abord de "la pauvreté du cœur", dont il fait la première des "Béatitudes" (Mt 5, 3), ce "désencombrement du cœur" par rapport à tout ce qui l'emplit de désirs inutiles, voir mauvais, détourne notre volonté de l'Amour véritable envers Dieu, le prochain et nous-mêmes.
La pauvreté de cœur est volontaire. Elle nait de notre esprit par un choix libre, dans le but de suivre Jésus sur le chemin du Bonheur par l'Amour!
Notre cœur, devenant libre, peut alors se tourner vers le prochain, pour l'aimer concrètement dans sa "pauvreté"à lui, tel qu'il est!
- qu'elle soit involontaire, subie, exprimée sur le plan matériel, ou sur le plan affectif, spirituel, souvent cachée et alors à repérer avec tact. En effet, une démarche de notre part pour aider le prochain à voir clair en lui-même est toujours délicate et souvent source d'incompréhension . Jésus nous a bien mis en garde à ce sujet (cf Mt 18, 15-17)
- qu'elle soit volontaire, résultat d'un choix libre de "désencombrement" dicté par l'Amour.
PAUVRETE VOLONTAIRE OU PAUVRETE SUBIE INVOLONTAIREMENT
Il y a donc :
- ceux qui ont fait volontairement option de "pauvreté", dont le cœur n'est pas encombré par les "richesses" (encombré comme le dos des chameaux qu'il fallait alors décharger pour leur permettre de passer par la fameuse porte de l'aiguille au travers de la muraille de Jérusalem). Cette option évite l'encombrement du cœur par le souci des richesses et rend disponible pour l'Amour(et déjà pour la tranquillité si l'on en croit la fable de Lafontaine du savetier et du financier).
NB Les "richesses", dont le souci est dangereusement encombrant, peuvent être aussi bien de l'ordre de l'avoir que de l'ordre du pouvoir!.
Pour autant, la "pauvreté volontaire" ne saurait négliger la vertu de prudence. C'est ainsi qu'il faut éviter tout excès, entre autres dans l'ascèse qui, sans cela, peut s'exagérer dans un esprit de compétition pouvant mener à l'orgueil (c'est moi qui jeûne le plus et le mieux, de toute ma communauté!)
A priori, cette option de la pauvreté volontaire, avec pratique intelligente de l'ascèse est la bonne pour celui qui veut suivre le Christ ! l'Eglise la recommande…mais ne saurait oublier, en la matière, le principe de subsidiarité en donnant des directives rigides prétendant s'appliquer à tous et en toutes circonstances.
- ceux qui sont involontairement soumis à une "pauvreté" qu'ils n'ont pas recherchée, mais qui se présente à eux comme une épreuve et entraîne alors une réaction pouvant être de rejet ou d'accueil :
- L'accueil de cette épreuve dans une perspective de progrès en matière de confiance et d'Amour vis-à-vis de Dieu, pouvant aller jusqu'à l'acceptation de "souffrir avec la Christ , du fait de cette pauvreté, "pour le salut du monde"!
- Ou, au contraire, rejet avec blocage devant cette pauvreté interprétée :
- soit comme étant une punition de la part de Dieu!
- soit comme une injustice provoquant alors une colère vis-à-vis de laquelle s'offrent deux portes de sortie : celle de la justice des hommes, (celle du "talion" rancunier) ou celle de la justice de Dieu qui est le Pardon venant de l'Amour, lui même basé sur la CONFIANCE en Dieu.
Nous pouvons entrer :
- dans le premier de ces groupes, celui des "volontaires de la pauvreté", par la pratique d'une certaine ascèse volontaire, acceptant de joindre cette pauvreté de cœur à l'offrande que le Christ fait de Lui-même (en particulier lors de l'eucharistie)!
- dans le second, en vivant la "pauvreté" involontaire comme une épreuve, envoyée par Dieu pour notre progrès dans l'Amour par la première des Béatitudes (Mt 5, 3) . Il nous faut vivre alors cette Béatitude dés maintenant, à la suite de Jésus et selon son exemple,…"Lui qui, étant de condition divine…s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur…" (Ph 2, 5-11) et (1 Jn 2, 3). De ce fait, nous rejoignons ainsi la pauvreté volontaire, à la suite du Christ!
- Mais la pauvreté involontaire, en provoquant la colère de l'homme vis-à-vis de ce qu'il ressent comme injuste, peut alors l'inciter à sortir de cette colère en recourant non pas à la justice de Dieu qu'est le PARDON, mais à celle des hommes qui est haine et rancune! Cette pauvreté involontaire entraîne donc un choix libre,fondamental, pour l'homme, le menant au Bonheur ou au Malheur!
A vrai dire, quand Jésus nous parle de "pauvreté", c'est la pauvreté volontaire qu'il souhaite en premier nous voir pratiquer par nous-mêmes. Mais nous venons de voir qu'à travers la pauvreté involontaire, il y a aussi, pour nous, un chemin éventuel de progrès dans l'Amour qui nous est offert…à travers ces épreuves que nous n'avons pas désiré du tout, mais qui, en fin de compte, se seront révélées être "un mal pour un bien" par ce que vécues dans un esprit de PAUVRETE!...et de PARDON!
IMPORTANCE D'UNE JUSTE POSITION DE VIE POUR UNE " PAUVRETE SELON DIEU!"
Comme on vient de le voir à propos de la "pauvreté involontaire", nos épreuves suscitent, de notre part, un choix libre concernant l'interprétation que nous allons en faire. Or, ce choix dépend, en premier lieu de la relation que nous avons:
- avec Dieu
- avec nous même
- avec les autres…
autrement dit avec la présentation de nous-même pour laquelle nous avons opté, ce
que nous appelons notre "position de vie"!
(cf , dans le tome 1 de la série "Réponses chrétiennes à quelques questions", aux
éditions "croix du salut" – Sarrebrück – RFA , au chap 7, page 40).
Si nous avons adopté (en fait inconsciemment) la position "Sauveteur", vis-à-vis du
prochain, plongé dans une "pauvreté involontaire" que ce soit dans la variété de
sauveteur charitable ou de dictateur, nous ne sommes pas dans la "pauvreté", mais
dans le mensonge, car l'Amour que nous prétendons apporter ne peut être que
seulement le volet "Don" de l'Amour (et en plus, de façon insatisfaisante) et pas du
tout le volet "acceptation de dépendance d'AMOUR" : nous donnons alors un
simulacre d'Amour!
Si nous avons adopté la position "victime" dans notre présentation vis-à-vis du
prochain, soit comme "victime déprimée" soit comme "victime revendicatrice", nous
ne sommes pas dans la pauvret non plus, car c'est alors le volet "Don" de l'Amour
qui manque à la relation avec ce prochain!
Nous ne pouvons être "pauvre" selon Dieu, dans notre relation au prochain, si nous
sommes avec lui dans ces deux positions de vie biaisées, habituelles chez nous!
Il nous faut alors revenir à une juste position de vie envers Dieu et nous-même:
à savoir l'affirmation que nous sommes, chacun, Merveille de Dieu et par Dieu,
mais en même temps rempli d'une faiblesse allant jusqu'au péché!
C'est l'humilité et la gratitude venant de la reconnaissance de cette juste position de
vie qui peut nous amener à la véritable pauvreté, selon Dieu!
Alors nous pourrons dire:
- avec Paul "c''est quand je suis "faible" que je suis "fort" et que, démunis nous-mêmes, nous en enrichisssons beaucoup
- avec Pierre (Jn 21, 15-17), que j'aime Jésus, d'un amour "philos", mais pas encore "agapé"!
Michel ANDRE, diacre
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