Vous entendiez parler d’une loi fin de vie ? Sachez qu’elle vient de changer de nom. L’un des derniers amendements adoptés en commission l’a renommé en "loi relative au droit à l’aide à mourir". Une modification destinée à accentuer la notion de droit opposable… Mais derrière cet euphémisme gentillet, c’est bien de l’euthanasie (mort provoquée par une tierce personne) et du suicide assisté (acte par lequel la personne provoque elle-même sa mort) qu’il s’agit, même si les auteurs et défenseurs de ce texte ont toujours refusé d’assumer ces deux mots.
Notons que ce changement de nom, dans cette marée de mensonges, sonne pour une fois assez juste. Il ne s’agit pas de fin de vie. Au fond, il n’a peut-être jamais été question de fin de vie. Mais bien de mettre fin à la vie. Cette loi pourrait concerner en effet des milliers de personnes qui ne sont pas en fin de vie. Car y seraient éligibles les personnes atteintes de maladies chroniques, cancers, diabètes, insuffisances rénales et certains handicaps (y compris liés à un accident). Et cela, avec des délais de mise en œuvre expéditifs. En 48 heures, tout peut être plié. Quand on prend la mesure qu’il s’agit de l’acte le plus irréversible qui soit — la mort de quelqu’un — on a de quoi trembler. Comme on l’espère trembleront les mains et les consciences de nos députés qui vont devoir se positionner et voter d’ici quelques jours.
Une fraternité à l’envers
La personne qui demande l’aide à mourir n’a même pas à le faire par écrit… Puis, le médecin aurait 15 jours maximum pour rendre son avis sur l’éligibilité à la mort provoquée (mais il peut le faire le jour même…). Le patient aurait ensuite au minimum deux jours de réflexion pour confirmer. Deux jours ! Délai qui peut être encore raccourci, à la demande de la personne… Tout cela, sachant qu’il n’y aurait nul besoin de collégialité dans cette décision, l’accord du seul médecin choisi par le patient suffira : celui-ci demandera seulement l’avis à un autre médecin (qui peut s’y opposer, mais sans qu’il n’ait le dernier mot) et à un auxiliaire de santé (sans assurance qu’il ne soit subordonné au médecin principal…). A été adopté un amendement qui précise que "l’avis de tous les professionnels qui interviennent auprès de la personne n’est plus requis". Quant aux éventuels recours de proches ou de soignants, ils risquent d’être impossibles, et même condamnés. Le patient se retrouvera isolé, avec sa décision.
Car la France, qui fait preuve d’une créativité notoire en ce domaine, est en train d’élaborer la pire loi du monde. Elle prévoit "un délit d’entrave" pour condamner à un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende quiconque empêcherait ou tenterait d’empêcher de pratiquer une euthanasie ou d’empêcher une personne de s’informer sur l’aide à mourir. Un proche ne pourrait essayer de sauver celui qui va mal, de même un psychiatre son patient dépressif… Mais on va où ? Dans une fraternité à l’envers… dans une fragilisation de la prévention du suicide, dans une mise à mal de la non-assistance à personne en danger et de la liberté d’expression. C’est lunaire. D’autant qu’un amendement créant un délit d’incitation à l’aide à mourir a lui, été rejeté… On est clairement du côté de la mort. Et non de la vie. De l’irréversible. Et non de l’espoir.
Une société transformée
On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Tout est sous nos yeux. Si on veut bien les ouvrir. Cette loi ne concernerait pas quelques-uns, loin de nous, mais bien tout un chacun. C’est la société qu’elle transformerait. C’est tout le regard sur la fragilité et la vulnérabilité humaine. C’est toute la confiance soignants-soignés. N’ayons aucun doute là-dessus. "Si l’on veut répondre à la souffrance présente, il faut aussi envisager celle des patients à venir, de ceux qui auraient à vivre les conséquences d’une euthanasie qui n’est pour l’heure qu’un projet. Ces restrictions insidieuses de la liberté amenées par l’amincissement des interdits qui la gardent, il nous faut bien les prévoir" alerte Julien Auriach. Rassurons-nous, ou pas, une commission de contrôle sera mise en place. Mais les contrôles se feront… a posteriori. C’est-à-dire, après la mort de la personne. Au moins là, pas de risque d’entrave… Mais quelle folie ! Comme l’a très bien résumé Erwan Le Morhedec, avocat et bénévole en soins palliatifs, "il n’existe pas de dérives de l’euthanasie. L’euthanasie est une dérive". Ce lundi 12 mai, l’association Alliance VITA invite les Français à se mobiliser dans une cinquantaine de villes sous cet appel pressant, plein de bon sens : "On veut des soins, pas l’euthanasie." Il est encore temps de faire entendre sa voix, et aussi d’écrire à son député.